Supergiant Games s’est bâti une réputation en or massif dans l’industrie du jeu vidéo en ne se répétant jamais. De Bastion à Transistor, de Pyre à Hades, chaque projet était une nouvelle proposition, un univers inédit et une mécanique réinventée. L’annonce de hades II a donc créé une onde de choc : pour la première fois, le studio acceptait de créer une suite. Ce choix, loin d’être une solution de facilité, cache la véritable raison d’être de ce projet : une ambition décuplée, fondée sur l’ampleur et la maturité. Le jeu ne se contente pas d’ajouter du contenu à une formule gagnante ; il la déconstruit et la reconstruit autour d’une nouvelle protagoniste, d’une nouvelle menace et de systèmes de jeu d’une profondeur tactique repensée.
Le changement le plus fondamental est le passage de Zagreus à Mélinoé. Là où le premier opus nous mettait dans la peau du prince insolent et pressé, fuyant l’autorité paternelle, cette suite nous présente sa sœur, une princesse des Enfers et une sorcière immortelle. Le ton change radicalement. Mélinoé n’est pas dans la fuite, elle est dans l’offensive. Sa mission : traquer et vaincre Chronos, le Titan du Temps, qui s’est échappé de sa prison et menace l’Olympe autant que le royaume chthonien. L’ambiance n’est plus à la rébellion adolescente, mais à une campagne militaire méthodique et ritualisée. Cette atmosphère de sorcellerie et d’arts occultes est palpable dès les premiers instants. Le hub central n’est plus la Maison d’Hadès, mais le Carrefour (Crossroads), un lieu de préparation mystique sous la tutelle d’Hécate, la maîtresse des arts occultes. Les dialogues, toujours aussi brillants et réactifs, reflètent cette nouvelle dynamique, se concentrant sur la préparation, les incantations et la patience.
Structurellement, le jeu explose le cadre linéaire de son prédécesseur. La différence la plus majeure est l’introduction de deux itinéraires d’ascension distincts. Le joueur n’est plus contraint à un seul chemin vers la surface. Désormais, Mélinoé peut choisir entre deux campagnes :
- La route des Enfers : Un chemin descendant qui reprend la logique des biomes infernaux, mais avec de nouveaux environnements, ennemis et boss, menant aux profondeurs du Tartare pour affronter Chronos.
- La route de la Surface : Un chemin ascendant, menant vers le monde des mortels puis vers l’Olympe. Ce trajet impose des contraintes radicalement différentes, un rythme de combat distinct et des récompenses spécifiques.
Cette bifurcation est un coup de génie en termes de design. Elle permet non seulement de varier les plaisirs et d’éviter la lassitude d’un chemin unique, mais elle influence aussi directement la méta-progression. Alterner entre les deux voies devient nécessaire pour collecter différentes ressources, rencontrer des personnages spécifiques et faire avancer les multiples fils narratifs. Le jeu gagne ainsi une respiration qu’il n’avait pas, permettant au joueur de changer de rythme s’il se sent bloqué sur une voie.
Le système de combat, bien que reprenant l’ossature nerveuse et lisible du premier, est profondément transformé par l’ajout de la Magie (Magick) et des Coups Oméga (Ω). Mélinoé dispose désormais d’une jauge de Magie qui se régénère lentement. Chaque action (attaque, spéciale, “cast”) peut être “chargée” en maintenant le bouton, consommant de la Magie pour déclencher une version Oméga dévastatrice. Cela change toute la dynamique des affrontements. On ne se contente plus d’esquiver et de réagir ; on doit gérer activement une ressource, créer des fenêtres d’opportunité pour charger ses coups, et choisir les bienfaits divins qui optimisent cette nouvelle économie. Les Armes Nocturnes (bâton de sorcière, lames jumelles, hache de pierre de lune…) sont toutes conçues autour de ce principe, offrant des styles de jeu radicalement différents basés sur la gestion de cette charge.
Enfin, la méta-progression a été entièrement repensée. Le Miroir de la Nuit laisse sa place à l’Autel des Arcanes. Il s’agit d’un système de “deck” de cartes de tarot persistantes. Le joueur débloque ces cartes et peut en “équiper” un nombre limité avant chaque tentative. Ces Arcanes offrent des bonus passifs puissants et structurants, permettant une personnalisation de son “build” bien plus poussée et flexible qu’auparavant. À cela s’ajoute le Chaudron, qui permet de lancer des incantations (déblocages de systèmes, améliorations de confort) en utilisant des ressources collectées via de nouveaux outils (pioche, pelle, canne à pêche) et un jardin à cultiver au Carrefour. Cette légère couche de “craft” et de collecte récompense l’exploration et ancre davantage Mélinoé dans son rôle de sorcière préparant ses rituels. Hades II n’est pas une simple suite ; c’est une réinvention mature qui prouve que Supergiant Games maîtrise son sujet à la perfection.



